L’Aude, avec deux sites classés par l’Unesco, ses châteaux Cathares qui pourraient l’être bientôt et plus de 50 km de plages ou de falaises sur le littoral Méditerranéen, est d’une beauté qui incite au voyage, suscite toutes sortes de vocations, provoque des réactions, force l’admiration mais incite aussi à quelques réflexions…

*Château de Peyrepertuse

*la Franqui

La première reflexion conduit d’abord a regretter le fait que l’Aude soit le pays de l’industrie perdue, celui des unités de cuirs disparues et des « FORMICA » passés en l’espace de 30 ans dans la cité des trois Quilles de la prospérité au néant.

C’est encore en haute vallée que le règne des chapeaux s’est envolé et que la lutte menée pour Myrys à cessé tout comme au cœur de la montagne noire pour la mine d’or abandonnée.

La réflexion peut nous mener aussi à constater que nous sommes au pays du tourisme tombé du ciel dont on profite sans le vouloir et qui pourrait même parfois un peu nous agacer.

Être Audois peut mener également à la frustration d’être aussi proche de la mer sans être totalement marin et d’être si près des montagnes sans être vraiment montagnard.

L’Aude est le pays des rugbys, celui des Spanguero, Codor, Maso et Sangali qui se joue à 15 de Quillan à Narbonne en passant par Carcassonne mais aussi celui de Pipette et consors qui se joue à 13 du stade du Moulin à la Pépinière en passant par le stade de l’aiguille à Limoux.

*Maso-Codorniou-Sangali

*Puig-Aubert dit Pipette

L’Aude est le pays des « gavach » qui est un nom qui ne signifie rien si ce n’est « les autres » et en l’occurrence pour ce qui nous concerne ceux qui ne sont pas Catalans…

Et pourtant dans ce pays, faible maillon central de notre Occitanie posée là, sous le soleil et le vent qui le caractérisent, au milieu de la « route du peuple » qui relie la splendide Toulouse à la lumineuse Montpellier, la Cité pourrait encore tenir le siège entourée qu’elle est des fruits de notre terre, des semences du Lauragais, de la vigne et des oliviers.

Dans ce département agricole et rural, malgré la crise, le vin est encore partout et c’est bien a travers lui que nous devons lutter contre la resignation en nous dépliant pour transmettre notre culture et valoriser ce que nous avons de meilleur.

Cela inspire le respect et suggère le plaisir à ceux qui savent y goûter ou qui ont bien compris que chez nous, ce qu’on ne peux pas éviter, il est préférable de le vouloir.

Vouloir aimer le vin, le terroir d’où il vient, distinguer le Cabardès de la Malepère, la Clape de Fitou, les Corbières de Limoux et le Minervois de la Livinière…c’est la nécessaire recherche actuelle de notre identité perdue qui mérite d’être défendue.

On dit que sur la langue, le vin de l’Aude parle mais quand on connait le terroir d’ou il vient, il ne parle plus, il raconte une histoire, notre histoire.

Pour les Audois, le vin est perçu comme un bien qui nous est propre au même titre, pour les Français, que notre culture et nos 360 variétés de fromages dont nous sommes également très fiers notamment parce que les fromages accompagnent parfaitement nos rouges breuvages ensoleillés…

Le vin est effectivement en France une boisson-étendard plus encore vu d’ici que le lait de la vache hollandaise ou que le thé si cher aux sujets de sa majesté mais le vin de nos appellations protégées audoises, issu de la cooperation ou de nos plus beaux domaines particuliers, recèle une profondeur particulière.

*Château de Pennautier – Domaine Calmels&Joseph à Montirat – Domaine de l’Hospitalet à Narbonne – Domaine de Cantalauze à Trèbes

*Cave coopérative d’Ouveillan

Mon enracinement audois me pousse à le dire : notre attachement viscéral à la vigne et aux vins ne résulte pas forcément du prestige dont ils jouissent qui est encore bien inférieur, faut-il le reconnaître, à celui des grands crus Bordelais et des Clos de Bourgogne.

La vérité est que le vin a toujours eu chez nous une telle dimension identitaire et sociale qu’il a été souvent l’objet et la cause de combats politiques qui ont même, en 1907, fait souffler le vent de la révolte et couler le sang de nos aïeux.

Plus récemment encore, le 4 Mars 1976 à Montredon-Corbières, sont morts le même jour un vigneron d’une balle en plein front qui défendait son travail, sa terre, sa famille, sa vie, son pays d’oc et de la même façon un policier qui est tombé pour un motif qu’il croyait tout aussi noble, la défense de l’ordre pour protéger la dignité, la justice et la Fraternité Républicaine…

Ainsi, pourvu que nous sachions transmettre le goût des bienfaits, parfois cachés, de notre territoire tout en empruntant le chemin du partage et de la modernité, nous sommes convaincus ici qu’après la pluie viendra le soleil et qu’au fond, nous avons tellement de passé avec nos vignerons que nous ne pouvons avoir avec le vin qu’énormément d’avenir.

Comment ne pas espérer en l’avenir de notre vin décrit par l’ancien testament comme ayant été créé dès le commencement pour le bonheur des hommes ou par le Talmud qui affirme qu’il n’y a pas de joie sans vin…

C’est probablement lors d’un passage dans l’Aude qu’Homère a réalisé que la flamme de l’esprit s’allumait au fond des flacons et qu’il est venu à l’esprit de Pline l’Ancien le fait que l’homme doit au vin d’être le seul animal à boire sans soif.

En ces temps particuliers où les gens ont tendance à se replier sur eux même, nous devons, imprégnés de notre passé, nous engager dans l’avenir avec audace et humanité.

Nous devons croire tout simplement au miracle du vin qui doit refaire de l’homme ce qu’il n’aurait jamais du cesser d’être : l’ami de l’homme.

Victor Hugo ne se trompait pas en disant que Dieu n’avait fait que l’eau mais l’homme, un Audois sans doute, a fait le vin.

La preuve, ce vin qui est devenu un professeur de gout, libérateur de l’esprit et illuminateur de l’intelligence nous a donné notamment Fabre d’Eglantine, Achille Mir, Joé Bousquet, Joseph Delteil ou encore Charles Cros, Paul Sabatier, Armand Barbès, Charles Trenet, Prosper Montagné et plus récemment encore, dans le domaine de la cuisine, Gilles Goujon…

Dans l’Aude, on a eu les Châteaux d’Aramon qui jalonnent le Minervois du nom du cépage que nous avons su rendre le plus généreux du Monde et même si nous ne sommes pas riches aujourd’hui, on est heureux de travailler nos vins pour les améliorer et les faire connaitre car on croit que le bonheur vient aux hommes qui naissent où l’on trouve de bons vins.

De grâce, ne m’en veuillez pas d’exagérer un peu mais je voulais juste souffler sur quelques lueurs pour essayer de faire briller de la bonne lumière et éclairer ce Département qui est le mien, cœur battant de l’Occitanie, auquel j’aspire simplement à rendre un jour ce qu’il m’a donné en m’engageant en conscience et en sincérité pour notre bien commun.

Voilà le premier combat qu’il faudra mener ici, qui consiste à s’efforcer de se tenir bien loin du sentiment de toute puissance qui corrompt toute action et fige le territoire, se tenir bien loin de l’ambition sans limite, de l’abject choix de l’intérêt individuel ou d’un clan au détriment de l’intérêt général…

Ce sentiment, qui a contribué à anéantir ce département, comme d’autres, depuis des décennies, portait dans l’Antiquité le nom « d’hubris » qui était alors le plus grand des crimes.

Cette prise de conscience de la nécessaire préservation et amélioration de la Res Publica (chose publique) commence en réalité par l’envie d’agir en utilisant des outils qui permettent de tirer des traits-d’union entre ce qui a été et ce qui sera comme autant de ponts, à l’usage de toutes les bonnes volontés, jetés entre la pensée et l’action…

Franck ALBERTI

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