Juin 2019. Nous célébrions le 75eme anniversaire du débarquement en Normandie par les forces alliées et cet événement sonnait pour les Français comme les premières notes réconfortantes jusque-là étouffées par un assourdissant bruit de bottes…

C’est quelques années auparavant, en 1941, que le régime de Vichy condamnait à mort le rugby à XIII.

Le Rugby à XIII, qui est né en 1895 à Hudersfield en Angleterre, s’installa en France en 1934 sous l’impulsion des anglais et lorsque la deuxième guerre mondiale a éclaté, ce sport était en pleine ascension tant sur le plan sportif qu’au niveau de sa popularité.

On comptait en effet 172 clubs dans l’hexagone dont 14 qui jouissaient d’un statut professionnel, évoluant au plus haut niveau, tandis que les quinzistes marquaient un peu le pas du fait de leur amateurisme, de leurs règles poussiéreuses et surtout en raison de leur éviction de la scène internationale depuis 1932, date à laquelle les anglais refusèrent de rencontrer les tricolores dont ils condamnaient les excès de violence sur le terrain.

Aussi, ayant vu se diviser par deux le nombre de club en activité en France en moins de quinze ans, la FFR, souhaitant garantir sa pérennité, profitait de quelques acuentances de certains de ses dirigeants avec le Gouvernement de Vichy pour titiller les convictions moralisatrices du Maréchal et de ses affidés susceptibles d’être offusquées par le statut professionnel des treizistes…*

Ainsi, fut créé en Octobre 1940 par le Commissariat Général des Sports un Comité d’étude de professionnalisme et d’amateurisme qui concluait dans la foulée que « les sports professionnels devaient être supprimés« .

Un sursis de trois ans etait accordé au football, au cyclisme, à la boxe et à la pelote basque mais le rugby a XIII n’eut pas cette chance et c’est ainsi que la sentence de mise à mort fut immédiate tout comme pour le tennis.

L’avis de décès du rugby à XIII était officialisé par un Décret, publié le 19 décembre 1941, émanant du Secrétariat d’État à l’éducation nationale et à la jeunesse, qui a eu pour effet la dissolution de la Fédération, la spoliation de tous ses biens, la saisie de ses archives par la police de Vichy ainsi que l’obligation pour les treizistes de jouer désormais à XV pour pouvoir continuer à toucher le ballon ovale…

Ce n’est qu’en Septembre 1944 que la ligue francaise de rugby à XIII renaissait de ses cendres à Toulouse avant d’etre à nouveau autorisée, en se ralliant à l’amateurisme et sous la houlette de Paul Barrière que les Carcassonnais connaissent bien.

Mais ce rugby devra s’appeller désormais « jeu à XIII » probablement pour ne pas faire revivre l’ancienne fédération de rugby et l’empêcher ainsi de réclamer restitution de ce qui lui avait été volé.

Ce n’est que près de 50 ans plus tard, en 1993, au terme d’un très long procès engagé par la FFR qui souhaitait demeurer le seul rugby à s’appeler ainsi, que le « jeu » treiziste a pu renouer avec son appellation de rugby d’origine mais le mal était fait.

Le Rugby à XIII, qu’on se le dise une fois pour toutes, a bien été une des victimes du gouvernement de Vichy bien aidé en celà par une inssupportable rancune de certaines instances quinzistes qui n’ont pas hésité, à l’époque, à bannir à vie et à interdire de terrains ceux qui voulaient jouer au rugby à deux de moins et avec les numeros inversés sur le maillot…

Cette attitude à laissé des traces et je denonce aujourd’hui ceux qui maintiennent cette malsaine concurrence, saluant au passage ceux qui comme moi estiment que le ballon ovale, peut importe le nombre de joueurs sur le terrain, n’a d’importance que par les valeurs qu’il inculque, qu’il véhicule et qu’il permet de transmettre.

Pourtant, la popularité d’avant guerre n’étaient pas définitivement perdue et commençait alors une nouvelle période de gloire..

En effet, les stades se remplissaient à nouveau et en 1951, lors de la première tournée en Australie du XIII de France emmené par Puig-Aubert, Dop, Cantoni, Mason, Martin et consorts, ces derniers remportaient 20 victoires et ramenaient une notoriété mondiale qui leur valu, à leur retour au pays, un accueil fracassant par 100.000 personnes venues acclamer a Marseille les héros du rugby.

Le XIII de France renouvela ses exploits en 1955 puis en 1960 et localement, durant cette periode, il existe des images de nos stades, dans nos têtes et sur photographies, comme le Stadium et celui des minimes à Toulouse ou de la Pépinière a Carcassonne devenu Albert Domec, plein à craquer comme on ne l’a jamais revu.

À partir de 1968 et malgré une place en finale de la coupe du monde, des virages sûrement mal négociés par les instances annoncèrent le declin du XIII que Jacques Fouroux, ancien capitaine du XV de France, ne parvenait pas à relancer en 1995 en dépit de la qualité et de la noblesse de son projet.

Aujourd’hui, le XIII français se remet à briller dans le championnat anglais avec les Dragons Catalans, qui ont même gagné la Cup à Wembley en 2018 devant 80.000 spectateurs et le Club de Toulouse Olympique qui mérite de suivre le même chemin pour récompenser les Toulousains d’avoir tellement fait pour les deux rugby, pour l’ovalie en général.

M’inspirant de Jean Giraudoux, je pense comme lui que le rugby c’est à « Six ou huit joueurs forts et actifs, deux légers et rusés, quatre grands rapides, et un dernier, modèle de flegme et de sang-froid. Le rugby, c’est la proportion idéale entre les hommes » et c’est aussi vrai aujourd’hui pour les femmes…

Pourquoi ne serais-je pas autant satisfait d’avoir vu cette saison d’un coté la Coupe de France Lord Derby gagnée pour la quinzième fois de son histoire, à XIII, par une équipe de Carcassonne qui était donnée pour morte à la fin de la saison dernière et de voir de l’autre coté la qualification, à XV, du Stade Toulousain pour sa vingt huitièmes finales du championnat.

C’est effectivement à Toulouse, notamment, que le XIII comme le XV ont eu quelques unes de leurs plus belles heures de gloire, tant aux Minimes qu’au Stadium l’un et l’autre systématiquement plein à craquer et ce n’est peut être pas par hasard si, sous l’impulsion de son president @didierlacroixx, le Stade Toulousain va partager avec le TO XIII son magnifique écrin à Ernest Wallon et ce, pour le plaisir de tous les amoureux du ballon ovale.Belle leçon de tolérance et d’ouverture en perspective qui merite d’etre saluée et qui devrait faire des émules pour qu’un jour les deux rugby parviennent à se traiter sans rivalité, d’égal a égal, pour que plus jamais on affuble du mot infamant « jeu » ce noble sport qui se joue aussi magnifiquement à XIII qu’à XV…

Pour oublier la triste période où un rugby a participé au meurtre de son frère au rythme du bruit des bottes sur la triste et détestable partition de la Collaboration, c’est encore aujourd’hui sous l’égide d’une nouvelle collaboration, mais au sens de l’entraide et du soutien dans une Paix retrouvée, que l’ovalie retrouvera ses lettres de noblesse et les valeurs qui façonnent ce ballon si étrange portées par tous ceux qui en jouent quels que soit leur nombre sur le terrain.

Vive donc le rugby ! A XIII comme à XV…

Franck Alberti

*Robert Fassolette – histoire politique du conflit des deux rugby en France -* photo : France / Kiwi 8 Janvier 1956 au Stadium à Toulouse