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Avec la campagne des présidentielles en toile de fond et dans un contexte de crise inattendue, comme l’avouera humblement Frédéric ROUANET en prenant la parole en premier en sa qualité de président des vignerons indépendants devant 1.500 viticulteurs et quelques élus locaux et régionaux réunis à Narbonne, la manifestation a débuté avec un topo introductif qui a consisté à proférer la menace d’appliquer « le droit du sol » à tous les candidats si, avant lundi 27 Mars, le gouvernement ne classe pas les Corbières occidentales et une partie du Minervois en zone défavorisée…

Au-delà de leur interdire le cas échéant l’accès au département, il s’agissait donc d’attirer l’attention des candidats à l’élection présidentielle sur diverses revendications qui sont en réalité de véritables enjeux pour l’avenir de notre viticulture à savoir :

  • Le prix du vin
  • Comment faire face au défi de la mondialisation
  • L’harmonisation de la réglementation du niveau Européen
  • La loi Evin
  • Les charges d’exploitation
  • Les contrôles de France Agrimer et les retards de paiement des primes
  • La question de la concurrence déloyale des vins étrangers qui pose également celle des négoces
  • Les retraites

Cela fait des décennies que notre région a misé, tant au niveau des vignerons indépendants que dans le domaine de la coopération, sur la qualité de nos vins et ce à juste titre. Mais, il se dit que les distributeurs, notamment les grandes surfaces, tiennent de plus en plus à présenter des produits sans Identification Géographique Protégé d’entrée de gamme.

Sur ce marché « bas de gamme » auquel nous ne nous sommes plus consacrés depuis de nombreuses années, nous ne sommes manifestement plus aujourd’hui en capacité d’être les leaders.

Pour cause, les Espagnols, et même les Italiens pour ne citer qu’eux, sont astreints à des règles sociales différentes et il en est de même, entre autres, pour celles portant sur l’utilisation des produits phytosanitaires.

Ainsi, en payant des salaires à leurs ouvriers bien inférieurs, les Espagnols peuvent vendre leurs productions à la moitié du prix que nous pratiquons tout en préservant la même marge que la nôtre, ce qui est injuste.

Il s’ensuit que depuis trois ans, on constate une augmentation de 60 % des importations de vins espagnols et une baisse considérable des prix d’achat du vin français à l’hectolitre de plusieurs dizaines d’euros parfois.

Au-delà, la politique d’achat de la grande distribution qui s’illustre par « un manque de clarté dans l’étiquetage des bouteilles » crée une confusion dans l’esprit des consommateurs sur l’origine des produits, ce qui est déloyal.

En pratique de surcroît, il n’est pas faux de penser que les produits « bas de gamme » sans IGP constituent des produits d’appel qui permettent aux produits étrangers de s’installer sur des marchés et de ce fait d’en décrocher d’autres portant sur des vins plus élaborés et plus qualitatifs qui sont susceptibles de nous échapper également au profit des productions de pays voisins.

Il faut bien entendu harmoniser la réglementation au niveau européen et baisser les charges d’exploitation pour accéder à une meilleure compétitivité, mais également modifier la loi Evin pour permettre une distinction entre le vin et les autres boissons alcoolisées.

A l’instar de certains autres pays européens, le fait de proposer la suppression de la taxe foncière, même sur plusieurs années, portant sur les terres constituant les outils de travail de nos agriculteurs serait un signal fort de soutien à l’ensemble de la filière agricole.

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Après avoir pris la parole pour évoquer les difficultés éprouvées par les jeunes pour s’installer, le président du CDJA devait la laisser au Président des anciens et aujourd’hui défenseur des droits des retraités en la personne de Jacques SERRE qui exprimait de légitimes revendications relatives aux retraites.

Crées en 1955, les retraites agricoles ont évolué jusqu’à aboutir, comme une belle avancée, à la retraite complémentaire obligatoire en 2002 qui permit d’atteindre 75 % du SMIC, mais qui, sans indexation prévue, nous ramène en 2017 à la case départ.

75 % du SMIC, c’est 862 € brut par mois pour une carrière complète en 2017 soit 716 € net alors que la moyenne des retraites en France est de 1 320 € mensuels.

Est-il normal que les agriculteurs perçoivent à la retraite moins que les autres Français et que leurs pensions soient inférieures au seuil de pauvreté alors qu’ils ont accompli une carrière complète passée à travailler et de surcroît à entretenir la nature, nos chemins, nos sentiers ?

Des retraites si faibles non revalorisées depuis 2013 ne permettent pas de faire face à la hausse du coût de l’énergie, de la santé, au déremboursement des services médicaux.

En réalité, le pouvoir d’achat des agriculteurs retraités a diminué de 10 % et ils demandent des mesures simples de justice et inspirées par le bon sens, notamment :

  • Le calcul des retraites sur les 25 meilleures années et non sur la carrière complète
  • Le rétablissement de la demie part fiscale pour les veuves ou les veufs
  • Bénéficier de 85 % du SMIC comme tous les autres régimes de retraite, ce qui va déjà dans le sens de l’harmonisation souhaitée.

Il devrait être possible de proposer dès à présent une mesure qui permette d’éviter de laisser plus longtemps les retraites agricoles stagner en dessous du seuil de pauvreté.

Les retraités sont 1 500 000 et ils attendent des candidats à l’élection présidentielle qu’une proposition concrète leur soit faite pour améliorer les petites retraites dans les 200 jours de l’élection et à minima la mise en application de la loi adoptée le 2 février 2017 portant les retraites à 85 % du SMIC dès le 1er Janvier 2018.

Derrière ces revendications, il y a avant tout des femmes et des hommes, des familles, des ruraux qui depuis plusieurs générations façonnent, structurent notre identité, participent à notre équilibre social et animent notre démocratie.

Comme le rappelait Jacques SERRE à la tribune en rendant hommage à Xavier BEULIN récemment décédé, auteur de ces propos, « le vivre ensemble ne concerne pas seulement les quartiers et les banlieues, il concerne aussi nos territoires ruraux ».

Si nos vignes disparaissent de nos départements, nos touristes nous tourneront le dos et si nous n’avons plus de vignerons, ce sont nos villages qui disparaîtront et avec eux le cœur du département qui cessera de battre.

Franck Alberti