Le 27 novembre 2004 a eu lieu à Trèbes la plus aléatoire mais néanmoins trépidante inauguration qu’un restaurant a pu connaître dans toute l’Occitanie depuis que l’homme a inventé les normes…


Depuis ce jour là, El Campo n’a pas cessé d’écrire ses lettres de noblesse sous la houlette d’abord de Martine et de Serge qui ont accepté sous mon insistance de traverser l’avenue des Capucins du côté pair au côté impair.


Lors du repas « d’entrée » de la rue du castela, un éclair dechira le ciel pour laisser place à une belle amitié entre deux mecs aux grands coeurs.


Peu à peu, les objets et les Hommes ont pris leurs places dans l’etablissement, les tonneaux et autres outils de la vigne étaient figés en déco avec, en apparence, les initiales des heureux donateurs, FA par ici, CB et JP par là comme autant de clins d’oeil qui illuminent les lieux encore aujourd’hui.
Mais le plus fort à cet endroit, c’est la table, celle de René en rentrant à droite, a l’emplacement même où se trouvait jadis la Mercedes de l’oncle Cougnenc.


Cette table à tout vu et tout entendu, des fous rires les plus fous aux discussions sérieuses les plus sérieuses.


Autour de cette table, 1000 fois le monde a été refait et parfois même en réalité…
Tres Bes, les expositions, le club taurin, les campagnes politiques de tous bords, l’origine du retour des corridas formelles à Carcassonne en 2010 même si on ne saura jamais « qui a commandé »…


Tant de choses ont démarré ici sous l’oeil malicieux de l’ami Daniel Dumas qui a eu la bonne idée de casser son fusil sur l’épaule pour ne blesser personne et celui inquiet de l’artiste Alain Clinard dont les oeuvres, qui donnent vie aux murs, captent plus de lumière qu’il n’en rentre par les fenêtres.


En transmettant au Poy qui faisait partie des meubles depuis le début de l’aventure, Serge et Martine ont cultivé l’idée selon laquelle El Campo n’est pas qu’un simple restaurant mais un endroit où les gens viennent d’abord pour venir et ensuite pour manger comme Denis qui venait tous les lundis, Guigue tous les vendredis et Jeff à chaque fois qu’on ne l’attendait plus…


L’ancien Monastère des Capucins sera devenu au fil des ans un lieu de mémoire cullinaire et festive, un genre de temple du convivialisme et c’est désormais Patrice, dit le Poy, qui a repris depuis trois ans le capuce pour perpétuer la pieuse tradition en réinventant de nouveaux sujets de connivence pour les fidèles et les nouvelles ouailles qui seront bien inspirés, après le deconfinement, de revenir en masse au Campo, pour tâcher de percer, non pas seulement le cœur du virus pour l’anéantir, mais aussi le secret du miracle du vin, ce secret qui doit nous permettre de changer nos regards sur ce que doit être notre avenir et de redéfinir notre destin commun, ce qui passe finalement par refaire de l’homme ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : l’ami de l’homme.

Franck Alberti