
Je m’apprête à me rapprocher du bureau de vote pour accomplir mon devoir de citoyen avec cette étrange impression que la démarche est futile, au regard de ce qui nous menace, et même inutile tant le risque d’annulation du scrutin dans les prochains jours est grand.
Et pourtant, il me plaît de penser et de croire que lorsque nos vies sont collectivement menacées et qu’à telle enseigne ferment, pour notre bien, tous les lieux où se tissent et règnent en temps de paix nos liens sociaux, amicaux et conviviaux, il est essentiel que la démocratie, durant cette guerre sanitaire, puisse rester debout et s’exercer.
Je choisis d’aller voter les yeux fermés, dans cette école de l’aiguille qui s’est récemment retrouvée inondée, en respectant les gestes barrières et en songeant simplement aux dignes et respectueux engagements des élus locaux dont ceux de Trèbes qui n’ignorent pas que le plus grand bonheur qui existe est celui qui résulte du fait de s’occuper des autres.
J’y vais aussi en pensant aux lamentables Gilets Jaunes qui dévoilent enfin au grand jour leur véritable nature et qui manifestaient encore hier soir, associés aux noirs casseurs encapuchonnés auxquels je les assimile désormais, bravant les impératives mesures de sécurité sanitaire édictées en raison du virus et se livrant ensemble à leur passe-temps favori du samedi, cassant et crachant, au sens propre et au sens figuré, sur nos concitoyens, membres des remarquables forces de l’ordre républicain.
Je vais aussi voter aujourd’hui en me remémorant le premier tour des élections de 2014, celui qui a permis d’ancrer en moi le principe que si on ne peut rien contre une idée lorsque c’est son heure, c’est neanmoins avoir tort que d’avoir raison trop tôt…
Je pense toutefois au groupe qui s’est constitué à cette occasion et à chacun des membres de cette équipe qui ont su globalement conserver non seulement entre eux les très belles relations dont nous avions réussi à poser les bases mais également, si j’en crois le nombre de candidats qui parmi eux se représentent cette année, le goût de l’engagement politique pour servir.
Après reflexion et quelques inquiétudes, peu importe finalement qu’ils ne se soient pas retrouvés tous sur la même liste dès lors qu’ils demeurent convaincus, là où ils se trouvent, qu’ils seraient capables de servir l’intérêt général et pourvu que chacun d’entre eux ne perde pas de vue la véritable menace et sache revenir au bercail.
Le plus banal mais le plus ridicule aussi, pour qui aspire à s’engager en politique aujourd’hui, consiste à mal apprécier cette situation en affichant la volonté de tourner le dos à ces gens égarés alors qu’avec la protection de l’environnement, le principal enjeu des années à venir consiste nécessairement à trouver les moyens et les idées propres à ramener ces gens, par le chemin de l’apaisement, au bercail de la raison et du discernement.
La véritable menace n’est plus vraiment incarnée aujourd’hui par les quelques individus issus de la véritable extrême droite, fascistes et racistes, qui sont parfaits à combattre tant ils sont pétris de mauvais sentiments mais par les gens provenant de tous bords politiques qui, devenus hystériques en sur-réagissant à tout sans filtre ni raison, garnissent et gonflent artificiellement ses rangs par leurs suffrages et menacent ainsi, dans le strict cadre démocratique, de prendre le pouvoir et d’insuffler dans notre pays, au sein de nos régions, sur nos départements et jusqu’au cœur de nos villages, leurs idées nauséabondes inspirées par la peur qu’ils ont de tous et de toutes choses.
Pour trouver ces idées qui manquent cruellement aux programmes qui nous ont été distribués, en ces temps particuliers où les citoyens ont tendance à se replier sur eux-mêmes et à l’heure de se prononcer par un vote qui, rajouté aux autres, désignera notre futur maire pour six ans, il faut s’efforcer de déceler, pour l’avenir, quelle femme ou quel homme a su et saura, le plus et le mieux, faire preuve d’audace et d’humanité.
L’audace, c’est s’évertuer à convertir les risques en opportunités, c’est allier le plus traditionnel avec le plus moderne, c’est créer des liens entre la ville et la ruralité et ne pas cesser de tirer des traits d’union entre ce qui a été et ce qui sera comme autant de ponts jetés entre hier et demain pour que notre territoire prenne véritablement son envol..
L’humanité, surtout au regard de l’épreuve sanitaire que nous traversons collectivement, c’est reconquérir la joie de vivre, c’est inventer entre nous de nouveaux sujets de connivence et de confiance qui vont nous ranimer et que l’on devra porter ensemble dans les espaces publics.
L’humanité, c’est ce qui doit nous inciter à nous ouvrir aux autres avec le dessein de transmettre, pour un avenir meilleur, notre part de rébellion et de bienfaisance.
L’humanité, c’est aspirer à sortir du marasme dans lequel nous sommes enfermés sans se diriger vers l’hystérie vertigineuse de l’extrême mais plutôt vers une représentation sociale positive de la fraternité.
Si celui ou celle que la majorité désigne ne correspond pas ce soir à l’idée qu’on se fait du candidat idéal, s’il existe, les règles de notre démocratie nous pousseront à l’accepter quoi qu’il en soit sans nous priver pour autant de la possibilité d’entrer en resistance ne serait-ce que sur le plan idéologique.
Je vais donc aller voter pour ce premier tour de scrutin, a visage découvert et un seul bulletin en main, pour le bien de la démocratie et de Trèbes qu’il s’agit désormais de reconstruire et de réenchanter.
En attendant les résultats, je garde présent à l’esprit ce texte de Romain Gary qui consacre l’idée fixe qui m’anime depuis tant d’années en vertu de laquelle « je suis à priori contre tous ceux qui croient avoir absolument raison, contre tous les systèmes politiques qui croient détenir le monopole de la vérité, contre les monopoles idéologiques.
Je vomis toutes les vérités absolues et leurs applications totales.
Alors, prenez une vérité, levez là prudemment à hauteur d’homme, voyez qui elle frappe, qui elle tue, qu’est ce qu’elle épargne, qu’est ce qu’elle rejette, sentez la longuement, voyez si ça ne sent pas le cadavre, goûtez en en gardant un bon moment sur la langue MAIS soyez toujours prêt à recracher immédiatement.
C’est cela la Démocratie, le droit de recracher (…) »
Bon vote !
Franck Alberti